Méditation de prérentrée

Nous sommes tous un puits d’eau vive !

 

Chers collègues, chers amis, chers tous,

            En ce jour de prérentrée, je vous invite à pratiquer un exercice bien connu des pédagogues et des professionnels que vous êtes : écouter. Écouter les élèves, écouter le chef d’établissement, écouter les parents, écouter vos collègues, écouter vos chefs, écouter vos proches, écouter vos enfants, écouter, écouter, toujours et encore écouter. Écouter le réveil matin, l’eau qui coule depuis la salle de bain, le bruit des bols au petit déjeuner, écouter les informations anxiogènes qui parviennent du monde entier, écouter les voitures qui passent dans nos rues et les avions sur nos têtes, écouter la tondeuse du voisin le dimanche, ou les travaux d’un autre aux premières heures d’un jour de repos. Sans cesse, nous sommes sollicités pour tendre l’oreille à l’extérieur de nous, saturés du dehors, inlassablement et sans répit. Sauf, peut-être, quand nous dormons.

            Mais, quand nous écoutons-nous nous ? Quoi de plus critiqué souvent, qu’une personne qui essaie d’entendre le mince filet sonore – sa petite voix – qui s’évertue elle aussi, à se faire entendre ? « Comment, tu t’écoutes, toi ? Mais, non, arrête cela tout de suite, ce n’est pas bien de t’écouter, s’écouter c’est faire preuve de complaisance à l’égard de soi-même. Allez hop, hop, hop ». Or, combien de fois chacun de nous n’a-t-il pas pensé en son for intérieur : « Si je m’écoutais, je ferai ceci ou cela, je partirai, ou je changerai de vie ? »

             S’écouter, en effet, c’est revenir vers la seule voix, le seul son, le seul bruit ou tapage interdit dans nos sociétés envahies par le tumulte incessant : la nôtre, la vôtre. Or, nombreuses sont les souffrances que nous éprouvons tous qui proviennent d’un défaut d’écoute de ce que nous sommes vraiment.

            Écouter, vous écouter – je vais bientôt me taire !!!-, c’est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire à vous-mêmes. C’est retrouver le trésor présent en chacun de vous, de nous, cette qualité d’être et d’âme unique au tréfonds de chacun et chacune. Mais pour cela il faut puiser dans la profondeur de notre être, retrouver notre intériorité, comme si nous allions tirer de l’eau dans un puits.

            Alors maintenant, j’invite chacun de vous à revenir à la source, à ce qui le fait vivre, à ce qui irrigue souterrainement les racines de son être. À faire silence d’abord, puis à tendre l’oreille afin d’entendre le filet d’eau vive jaillissant toujours en vous, d’écouter combien toujours même dans les profondeurs de vous-mêmes, une parole fraîche demande à remonter à la surface pour étancher votre soif de vie, et enfin à vous en abreuver abondamment et sans crainte, gardant en vous que ce puits, c’est vous et qu’il vous appartient de le maintenir intact contre toutes les pollutions qui à chaque instant le menace.

            Le poète italien Erri de Luca, dans son livre intitulé Du monde entier, écrit : « Au pied du Sinaï, l’écoute est une citerne dans laquelle se déverse une eau du ciel de paroles scandées à gouttes de syllabes ». Et il poursuit : « l’écoute est un puits qui les garde entières, on peut en prendre là à chaque fois qu’il en manque une »

            Dans la Bible, en effet, les puits sont d’une grande importance tant dans l’un et l’autre Testament. C’est à la faveur d’un déplacement au puits que les patriarches Isaac et Jacob rencontrent leur future épouse Rébecca et Rachel. Moïse également Tsippora. Jésus venant chercher de l’eau pour se désaltérer promettra à la Samaritaine une eau qui étanche toute soif. L’eau est vie. Sans eau, et cet été nous le rappelle, la vie périt. C’est pourquoi symboliquement le puits est avant tout lieu de rencontre avec la source de toute vie, rencontre avec Dieu, et à travers Dieu, rencontre avec soi-même et consolation. Le chapitre 24, versets 62 à 67 du livre de la Genèse, en donne une image condensée :

            Quant à Isaac, il était revenu du puits de Lachaï-Roï et habitait dans la région du Néguev. Un soir qu’il était sorti pour méditer dans les champs, il leva les yeux et regarda: voici que des chameaux arrivaient. Rebecca leva aussi les yeux, vit Isaac et descendit de son chameau. 65Elle demanda au serviteur: «Qui est l’homme qui vient   dans les champs à notre rencontre?» Le serviteur répondit: «C’est mon seigneur.»             Alors elle prit son voile et se couvrit. 66Le serviteur raconta à Isaac tout ce qu’il avait fait. Isaac conduisit Rebecca dans la tente de Sara, sa mère. Il épousa Rebecca. Elle devint sa femme et il l’aima. Ainsi, Isaac fut consolé après la perte de sa mère.

Le nom du puits lui-même est significatif : Lachaï-Roi. Expression que l’on peut traduire par le puits du Vivant qui se révèle (ou qui me voit) ».

            Pour chacun de nous qui œuvrons dans cet établissement scolaire, le charisme de Sion est la source à laquelle nous puisons et nous abreuvons pour permettre aux élèves qui nous sont confiés de grandir comme être humains dans les meilleurs conditions. Puissions-nous nous retrouver dans de ce charisme, comme autour d’un puits, afin d’aller toujours aux sources qui nous rassemblent !

            Chers amis, chers collègues, chers tous, puissions-nous tout au long de cette année scolaire qui s’ouvre aujourd’hui, revenir chaque jour à la source de notre être, au puits de la parole vraie, celle qui nous rend unique et nous fait vivre : le bruissement de notre voix.

 

Sara Hernandez

Adjointe en Pastorale